Autorité de protection des consommateurs, la DGCCRF mène des enquêtes régulières pour contrôler la qualité des miels commercialisés en France. Il s’agit, d’une part, de protéger les consommateurs français qui apprécient particulièrement ce produit et, d’autre part, de protéger les apiculteurs français contre des pratiques déloyales susceptibles de mettre en danger leur activité. Au cours de cette enquête débutée fin 2017, les agents de la DGCCRF ont recherché les pratiques frauduleuses dans le secteur du miel mais également de gelée royale et de sirop d’érable ou d’agave. Plus de 300 professionnels ont été contrôlés. La première cause de non-conformité concerne des défauts d’étiquetage souvent combinés à d’autres manquements tels que des défauts de composition, des défauts de qualité et des adultérations.
Les Français consomment environ 40 000 tonnes de miel par an. La production nationale qui varie selon les années entre 20 000 et 30 000 tonnes ne permet ainsi pas de couvrir la demande et des quantités importantes de miels sont importées, notamment d’Espagne et d’Ukraine. La commercialisation des miels produits par des apiculteurs disposant de moins d’une centaine de ruche se fait généralement en circuit court, notamment sur les marchés en plein air. Les exploitations de grande taille (plus de 400 ruches) vendent elle plus généralement leur production à des conditionneurs en vue d’une commercialisation en supermarchés. Les conditionneurs sont relativement peu nombreux : une douzaine d’opérateurs représente 95 % des tonnages.
La production nationale de gelée royale est très faible (environ 2 tonnes) par rapport à la demande (170 tonnes). Le volume des importations ne cesse d’augmenter : + 35 % entre 2010 et 2014. Ces produits arrivent généralement congelés en provenance d’Asie. La plupart des sirops d’agave et d’érable sont importés : les premiers viennent du Mexique et d’Afrique du Sud, les seconds d’Amérique du Nord.
La faiblesse de la production française de miel et le maintien d’une demande intérieure forte, en particulier d’un miel d’origine France ‒ voire locale ‒, sont susceptibles de conduire à des pratiques frauduleuses individuelles ou organisées.
L’enquête de la DGCCRF a visé à rechercher le non-respect des caractéristiques de composition, les infractions aux règles d’étiquetage mais également de tromperies sur les caractéristiques du produit et l’adultération des miels par des sucres exogènes ou par des dilutions. Le Service national des enquêtes (SNE) de la DGCCRF a contrôlé l’amont de la filière miel ainsi que la gelée royale, le sirop d’érable et le sirop d’agave, en s’appuyant notamment sur des données douanières. Les directions départementales ont effectués des contrôles ciblés sur la base des informations transmises par le SNE ainsi que des contrôles à la distribution.
Les enquêteurs se sont appuyés sur l’expertise des laboratoires du SCL, laboratoires communs à la DGCCRF et aux douanes, qui peuvent mettre en évidence par des analyses physico-chimiques l’ajout de sucres exogènes pour rechercher d’éventuelles adultérations mais également identifier des tromperies sur les caractéristiques du produit (analyse polliniques pour vérifier l’origine ou organoleptique pour garantir l’origine florale).
317 établissements, de la production à la distribution, ont fait l’objet de contrôles dont notamment 123 apiculteurs, 116 commerces, 24 transformateurs et 19 sites internet ou de vente à distance. 262 échantillons de produits prélevés par les enquêteurs au cours des contrôles ont été analysés en laboratoire.
43 % des miels analysés en laboratoire sont « non conformes » et 2 % « à surveiller »
• La plupart des non-conformités sont issues de problèmes d’étiquetage : absence de mention du pays d’origine, présence de mentions abusives (« 100 % naturel / toutes fleurs »), dénomination incorrecte (p. ex. « Miel liquide » alors qu’il est cristallisé).
• D’autres manquements accompagnent souvent ces non-conformités : adultération avec des sucres exogènes, origine France incompatible avec les pollens analysés.
• Le dosage d’hydroxyméthylfurfural[1] (HMF) traduisait dans un échantillon le chauffage du miel pour le rendre plus crémeux.
Plusieurs cas de miels importés et revendus au consommateur final dans des pots mentionnant une origine française ont été relevés
• Une procédure contentieuse a été engagée à la suite de la découverte d’une francisation de plusieurs centaines, voire milliers de tonnes de miels espagnols et chinois. Cette tromperie en bande organisée s’appuyait sur des intermédiaires actifs en France et en Espagne. En bout de chaîne, le miel était revendus au consommateur en pot mentionnant une origine française, avec parfois même des mentions à consonance locale.
• Sur un marché de plein air, un faux producteur a reconnu avoir acheté en Italie les miels qu’ils vendaient sous les étiquetages « mis en pot par l’apiculteur » et « producteur miel de France ».
• Des miels achetés en Belgique étaient vendus avec la mention « récolté et mis en pot en France ». Cette entreprise, qui se présente sous une marque locale, commercialisait 6 tonnes de miel alors qu’elle n’en produit que 600 kg.
• Un apiculteur-récoltant proposait sur son stand des préemballages de gelée royale sous une présentation de nature à induire en erreur sur l’origine et les qualités substantielles de la denrée, qui était importée et décongelée. Les mentions d’étiquetage obligatoire faisaient défaut.
Des procédures contentieuses ont été ouvertes en raison d’adultérations ou de tromperies
• Une analyse en laboratoire a mis en évidence que du miel de thym biologique sous indication géographique protégée (IGP) « Miel de Provence » était adultéré à 14 %, d’origine Espagne et non de France, et dépourvu des caractéristiques de l’origine florale annoncée. Un miel d’acacia vendu par le même apiculteur présentait lui aussi une teneur excessive en HMF.
• Un procès-verbal de tromperie sanctionnera un apiculteur ayant effectué des achats très importants de glucose en vue de pratiques d’adultération.
41 injonctions ont été prises contre des apiculteurs et des opérateurs
Ces professionnels devront selon le cas mettre en place un système de traçabilité à toutes les étapes, nettoyer et désinfecter leurs locaux, compléter leur étiquetage (date de durabilité minimale [DDM], quantité nette), supprimer les mentions abusives telles que « Ce miel ne contient ni colorant ni conservateur », les allégations nutritionnelles ou de santé non autorisées (p. ex. « préconisé pour combattre la toux » pour du miel ou « particulièrement bénéfique pour renforcer les défenses de l’organisme » pour de la gelée royale) et les clauses abusives ou illicites dans les conditions générales de vente des sites internet.
108 avertissements ont relevé essentiellement des défauts d’étiquetage et des présentations prêtant à confusion
• Les défauts d’étiquetage regroupent notamment l’absence de numéro de lot, de quantité nette, de DDM, les allégations thérapeutiques ou de santé fantaisistes (alors qu’aucune n’est autorisée sur les produits de l’apiculture), le défaut d’indication du pays de récolte.
• Parmi les présentations constitutives d’anomalies, les enquêteurs ont relevé la mise en relief de termes (Corse, Provence, etc.) protégés par des appellations d’origine protégée (AOP) alors que les miels en question ne pouvaient en bénéficier, ou encore la présence d’un drapeau tricolore pour miel venant de l’étranger.
La DGCCRF maintient depuis plusieurs années une vigilance forte sur le marché du miel et des produits de la ruche. Cette vigilance est indispensable pour garantir aux consommateurs la qualité des produits qu’ils achètent et pour protéger les apiculteurs d’une concurrence déloyale, d’autant plus dans un contexte de mortalité importante des abeilles.
Cette enquête réalisée au cours des deux dernières années a permis de mettre en évidence un taux d’anomalie globalement limité (32% mais avec essentiellement des manquements d’étiquetage) au regard de l’effort de ciblage qui avait été réalisé pour contrôler en priorité les opérateurs à risque. Pour autant, des fraudes importantes ont été mise en évidence, notamment par des professionnels peu scrupuleux se faisant passer pour des apiculteurs ou commercialisant sous couvert d’une origine locale des produits importés. Ces pratiques sont particulièrement dommageables pour les apiculteurs qui, dans une grande majorité, vendent leur propre production en circuits courts. Les produits vendus par la grande distribution sont globalement bien surveillés par les grossistes qui effectuent des analyses pour s’assurer de la qualité des produits. Toutefois, étant donné les volumes concernés, des pratiques trompeuses auront un impact plus important.
La DGCCRF va poursuivre une surveillance renforcée du secteur pour garantir un fonctionnement loyal du marché. Dans le même temps, un décret renforcera en 2020 l’information du consommateur pour lui permettre de faire des achats en toute connaissance de cause.